AHAtelier#1 – le logement
Les architectes sont amenés à jouer un rôle majeur dans la recherche de bien-être au sein de la ville. Au travers d’ateliers de recherche que nous développons à l’Atelier Herbez Architectes, nous confrontons les problématiques techniques de la construction et les enjeux sociétaux de demain.
Le lien entre le cadre bâti et la santé est loin d’être une nouveauté, mais les enjeux actuels, au travers de l’épidémie mondiale que nous vivons, redonnent profondément conscience de la notion de bien-être. Nous savons que 70% des facteurs impactant notre santé sont dus à notre environnement immédiat et notre mode de vie : bruit, pollution, luminosité, espaces… Il est de la responsabilité de l’architecte d’avoir un impact positif aigu sur l’équilibre de vie des utilisateurs de la ville.
La ville a un cœur, des poumons, des artères.
La manière dont est conçu l’espace a un impact sur nos sens. Etudier les aspects sociaux, le rapport au corps, est primordial afin de permettre le bien-être au sein du logement. Mais à l’heure actuelle, la santé sociale n’est pas suffisamment prise en compte dans la conception des logements.
Un problème majeur se pose : la règlementation oblige pour une partie des logements une standardisation qui implique une réduction des espaces. Les logements ne sont pas adaptés aux nouveaux usages (télétravail, vie sociale en appartement), et la crise sanitaire l’a d’autant plus souligné. Le manque d’espace a des conséquences nettes sur l’individu : on remarque un manque de motricité chez les tous petits, ou encore des sentiments de peur et d’agressivité dus à « l’entre construction » (espace vide constitué par les rues). Avec le surpeuplement dans les logements, les habitants n’ont plus d’intimité, ils développent de l’anxiété.
A travers deux facteurs distincts, l’espace joue un rôle primordial sur notre santé : il agit sur nos sens purs, notre façon de ressentir les choses physiologiquement ; il comporte aussi une facette sociale ; jouant sur le ressenti des éléments. Les petits détails peuvent alors prendre une importance conséquente et impactante, comme les hauteurs de fenêtres ou de garde-corps.
Philippe Rahm a développé la notion de météorologie de l’architecture, dont le but est la recherche de la température idéale pour chacune des pièces d’un appartement. De cette manière, il étudie la qualité de l’air et appréhende de façon adéquate la disposition des différents espaces au sein du logement.
Dans une autre démarche, Arno Brandlhuber a travaillé le concept du brutalisme industriel. Les espaces s’y agrandissent en fonction du besoin de l’habitant : un système de rideaux permet de varier entre des espaces en continu, et des espaces compartimentés.
Le logement du futur ne ressemblera pas à celui d’aujourd’hui.
Nos logements sont standardisés à la baisse : les hauteurs sous plafond diminuent, les espaces habitables avec. En cruel manque de marge volumétrique, il est aujourd’hui difficile de prendre en compte l’évolutivité des besoins et la modularité des usages de l’habitant. Logements modulaires, co-living, ou encore transformations de bureaux en logement vont dans le sens des nouveaux défis à accomplir. Redonner de l’espace aux pièces de vie, voilà le socle de la conception future du logement.
En sortant du logement, et lorsqu’espace extérieur privatif il y a, on se préoccupe trop souvent de la superficie de se dernier plutôt qu’à son habitabilité. Traiter l’intimité de l’usager, l’exposition du balcon au vent, aux intempéries : une casquette par exemple permettrait de prendre en compte de façon simple ces différents sujets, et l’espace deviendrait habitable tout au long de l’année.
Pour aller plus loin, le jardin d’hiver se positionne comme un espace tampon, un entre-deux : il intervient comme espace intérieur habitable, ou comme premier espace en lien direct avec l’extérieur, prolongement du balcon. En intérieur, il permet d’offrir une pièce en plus, et jouit de son appartenance avec le dehors. Imaginons un rideau ou une cloison coulissante : le jardin d’hiver devient un espace extérieur en intérieur.
Dans un souci de confort thermique, l’orientation de cet espace en plus est à étudier avec attention, afin de ne pas surchauffer l’appartement. Dans les maisons passives construites en terre crue et en paille, on peut imaginer des « cheminées thermiques » : la chaleur s’y accumule et les murs trombes à l’inertie forte redirigent la chaleur dans le logement. En hiver, on ferme les cloisons, et l’isolation thermique s’opère grâce au volume d’air qui s’y accumule.
Si les jardins d’hiver nous viennent du nord, les pays chauds proposent eux aussi des espaces extérieurs qualitatifs : les patios. A l’abri du vent, le patio permet de douces ventilations dans les logements, rendant ces derniers traversants. A l’abri des regards, le patio offre une certaine intimité aux habitants : les ouvertures sur le patio devront être étudiées, et cadrées de sorte à ne pas créer de vis-à-vis avec les voisins. A l’instar du projet inspirant des Clics et des Calques, Melrose Sheds, les types d’ouvertures peuvent alors se multiplier : des ouvertures cadrées en façades, des ouvertures en hauteur, en toiture… Même si le patio est traité comme une cour commune, le chez-soi de chacun reste préservé grâce à un traitement des vues étudié.
Les logements de demain, ce sont donc des logements généreux en surface, en ouvertures naturelles, et en diversité de ces dernières. Ce sont des logements qui offrent une part gourmande aux espaces extérieurs privatifs, car si la surface habitable est réduite, le prix de vente du logement n’en est pas moindre pour autant. Les logements de demain sont tous uniques, appropriés aux habitants, et appropriables par les acquéreurs futurs. Cette appropriation passera aussi par l’accès au logement, le chemin de l’habitant depuis la rue jusqu’à sa porte d’entrée : individualisée, éclairée naturellement, voire extérieure… les espaces communs des immeubles collectifs détiennent une infinité de variables, favorisant le bien-être de leurs usagers.